TÉMOIGNAGE

ALSF

Pourquoi suis-je devenue sage-femme? 

Témoignage de Martine Welter, sage-femme libérale, actuellement présidente de l'ALSF


Qu'est-ce qui a motivé votre choix pour cette profession? 

Je viens d'une famille de médecins. Longtemps je n'ai pas eu de vrai projet professionnel. Mon père aurait aimé que je devienne médecin à mon tour mais mon esprit d'opposition, peut-être aussi le contexte des années 70, me mettait en révolte contre l'ordre établi, la famille. Issue d'un milieu où le partage des rôles «hommes/femmes» était des plus classiques et conservateurs, j'étais également en quête d'un nouveau modèle féminin, d'une autre approche de ce corps, dans toute sa dimension.

Très indépendante, toujours en train d'argumenter, de militer pour une cause, en même temps très débrouillarde de mes deux mains, bricoleuse, il me fallait quelque chose pour une femme «émancipée»! Entre vétérinaire, architecte d'intérieur et sage-femme j'ai retenu cette dernière option, soutenue par mon père et l'une de ces connaissances-clientes, sage-femme.


Avez-vous douté un jour de votre orientation? 

Bien au contraire! Lors de ma formation d'infirmière, la lecture du livre de Gisèle Tichané «Accouche et tais-toi!» m'a confortée dans mon choix. Ces femmes qui parlent (c'est le sous-titre) de leurs accouchements, qui racontent pour beaucoup d'entre elles comment cette expérience a été gâchée par l'attitude de leur entourage, par l'hyper médicalisation, le manque de chaleur humaine, de mise en confiance, par la culpabilisation ressentie, le mépris même, et qui gardent un mauvais souvenir, voire sont restées traumatisées par cette expérience unique; ces femmes, donc, m'ont beaucoup touchée. Je devais donc me battre pour elles!


Quel sentiment vous anime après 24 années de pratique?

Les femmes que je suis, mais aussi les bébés et les pères, me donnent toujours le sentiment d'être compris, d'être "touchés" au "bon endroit, au bon moment". J'ai la certitude que notre rôle est essentiel, pivot même. Pourtant ...... cette position d'infériorité de la femme par rapport à l'homme, de la parturiente par rapport au personnel, mais aussi de la sage-femme par rapport au gynécologue, je ne pouvais et ne peux toujours pas l'admettre.


Quel regard portez-vous sur votre profession aujourd'hui, dans un pays comme le Luxembourg?

Je citerai et annoterai Gisèle Tichané pour vous répondre:

«Le rôle de la sage-femme a subi de profondes modifications depuis que leur pratique quotidienne ne se déroule plus au domicile des accouchées, mais dans les maternités. Elles ne sont plus que des techniciennes (deviennent en plus des informaticiennes!), sans lien affectif (pas de prise en charge prénatale au Luxembourg!) avec l'accouchée, qui se bornent à effectuer des contrôles au cours de la dilatation, à appeler le médecin au dernier moment et qui distribuent à l'occasion des réprimandes ou des menaces.»


Pourtant de plus en plus de femmes réclament la présence d'une sage-femme à leurs côtés avant, pendant et après l'accouchement?

Oui, les femmes qui accouchent accordent une très grande importance au rôle de la sage-femme: elles veulent et ont besoin d'un rapport de confiance.


Pourquoi avoir choisi d'exercer en libéral?

Tout d'abord pour répondre à la forte demande de femmes scandinaves, néerlandaises ou anglaises, habituées à une prise en charge à domicile, par une sage-femme, et à un séjour en maternité ne dépassant pas 24-48 heures après l'accouchement.
Au début des années 90, la signature d'une convention avec les caisses de maladie, nous autorisait à appliquer nos tarifs propres et donc à exercer en libéral. A partir de là, il fallait bien des sages-femmes libérales pour assurer le suivi tant sollicité. Au début, nous étions 4 pour tout le pays!

Ensuite, telle est ma vision de la profession de sage-femme. Une profession à responsabilités, autonome, qui peut s'exercer (tant qu'on se limite à ce qui est physiologique) sans devoir attendre un ordre, un accord ou l'ordonnance d'une autre profession de santé. Or, à l'hôpital, nos gestes sont souvent dictés, réglementés et évalués. Le travail en équipe et la hiérarchie qu'il implique ne me déplaît cependant pas, tant qu'il règne un climat de confiance, de complémentarité, de non-concurrence et de respect pour le travail spécifique de chacun!